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Michel Hulin : la méditation, le meilleur apport de l’Inde pour la sagesse aujourd’hui

Michel Hulin, professeur honoraire de philosophie indienne et comparée à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV)

A l’occasion de la 10 ème édition de la journée de la solidarité humaine, l’Institut de France accueillait un colloque dont le thème s’articulait autour de la question « Quelle sagesse pour notre temps ? »

Michel Hulin, professeur honoraire de philosophie indienne et comparée à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV) était l’un des intervenants…

- Jacques Paugam : Je voudrais vous poser une question très concrète puisque le thème c’est « quelle sagesse pour notre temps ? » : quel pourrait être l’apport essentiel de l’hindouisme à une sagesse pour notre temps ? Est-ce qu’il faut aller le chercher du côté de la théorie de la souffrance, du désir, de la non-violence ? Que mettriez-vous en valeur comme apport le plus fort de l’hindouisme ?_

- Michel Hulin : Je pense que c’est la tradition de méditation. La tradition qui est complémentaire de l’ensemble le plus visible que sont les pratiques dévotionnelles, multiples, spectaculaires…

A côté de celles-ci, il existe une tradition de méditation qui n’est pas uniquement l’apanage de personnages un peu folkloriques comme des yogi de l’Himalaya, mais qui est extrêmement répandue. En effet, il y a quantité de gens (même des hommes d’affaires) qui trouvent moyen, chaque matin par exemple, de réciter quelques formules védiques et surtout de méditer. Et ils combinent cela avec des pratiques plus proprement religieuses. Beaucoup de gens ne vont jamais au temple, beaucoup de brahmanes y vont rarement sauf à quelques occasions dans l’année, mais ils ont chez eux tout un autel où il y a diverses représentations plus ou moins anthropomorphiques de religions. Leur méditation est tantôt plus abstraite vers le brahman par exemple, l’atman, et tantôt au contraire, elle prend pour support des mûrtis c’est-à-dire des figurations religieuses concrètes. C’est l’idée que, ce n’est pas trop les dogmes qui importent, la fidélité aux dogmes ni même tellement le respect de certaines normes dans la conduite,- lesquelles sont plutôt dictées d’avance par la caste à laquelle on appartient-, mais plutôt une certaine manière de vivre le rôle qu’on est appelé à jouer dans le monde. C’est pour ça que la Bhagavad Gita par exemple reste peut-être le texte le plus moderne, le plus utilisable par eux parce qu’elle n’a pas d’obédience sectaire très rigide. Elle consiste à dire : chacun doit jouer le rôle que la naissance l’a amené à jouer en ce monde, mais dans un autre esprit, dans un esprit de détachement ; dans le vocabulaire de la Gita on dit « sans rechercher pour lui les bénéfices de l’action qu’il entreprend ».

- J.P. : Avez-vous l’impression que cette habitude de la méditation donne aux pratiquants de cette religion une perception du temps peut-être plus riche que la nôtre ?

- M.H. : En tout cas certainement différente. D’ailleurs sur le plan spéculatif, on peut dire que les philosophies indiennes sont parties de l’idée, un peu comme les Grecs, du temps circulaire, et puis très souvent, elles associent la temporalité en tant que telle, voient en elle un des visages de l’ignorance métaphysique, de l’illusion ou de la maya.
Dans une multitude de mythes, la percée au-delà des apparences, la percée vers la vérité, est liée à des récits mettant en valeur la fragilité, l’insubstancialité, l’irréalité ultime du temps. Donc cela joue un rôle très important. On est toujours par exemple frappé de voir des gens sur des places de marchés, des cours de temples, au milieu de tohu-bohu et d’un vacarme invraisemblable, qui sont là silencieux. Ils ne prennent pas une pause, je ne crois pas, ce sont des gens de tous les jours : ils réfléchissent, ils méditent, ils parlent éventuellement dans un dialogue silencieux avec leur dieu, et puis après, une fois que c’est terminé, avec le sourire, ils se remettent dans le train-train, mais autrement, dans le monde mais en même temps avec un détachement subtil. […]

1. Voir la suite de l’entretien sur:

http://www.canalacademie.com/ida7764-Michel-Hulin-la-meditation-le-meilleur-apport-de-l-Inde-pour-la-sagesse-aujourd-hui.html

2. Livre de Michel Hulin sur le Vedanta

Shankara et la non-dualité, Michel Hulin

https://www.amazon.fr/Shankara-non-dualit%C3%A9-Michel-Hulin/dp/2351183207